Le Prieuré de Serrabone

 

Prieuré de Serrabone

Située dans la vallée du Boulès au coeur des forêts de chênes verts, Sainte-Marie de Serrabona (Serra bona : la bonne montagne) est une église fondée au Xe ou au XIe siècle dont la première mention apparaît dans un document daté de 1069.
En 1082, une communauté observant la règle de Saint Augustin s’installe, sous le patronage de seigneurs locaux et du vicomte de Conflent, qui lui accordent biens et revenus.
Un désaccord surgit alors entre les fondateurs et l’évêque d’ Elne, révélateur des tensions engendrées par la « réforme grégorienne », qui entendait soustraire les nominations de clercs à l’autorité des laïques. L’évêque souhaite se réserver la désignation du prieur, mais les riches fondateurs refusent. Un compromis est trouvé, seuls les chanoines éliront leur supérieur.

Les religieux augustins, mènent à l’instar des moines, une vie communautaire mais assurent également le service paroissial. Dans la première moitié du XIIe siècle, à côté de l’église, ils construisent des lieux qui leur sont propres : cloître, salle capitulaire, réfectoire, dortoir… et dotent le prieuré d’une parure sculptée.

Soixante-dix années s’écoulent avant que l’église rurale ne se transforme en prieuré. En 1511 le nouvel édifice est consacré, en présence d’évêques et d’abbés. L’évocation de cette cérémonie est matérialisée par des croix gravées dans les murs de la nef et de l’abside.
En 1592, tous les prieurés augustins d’Espagne sont supprimés. Un an plus tard, le prieuré et ses biens sont donnés au nouveau diocèse de Solsona, en Catalogne, qui le conservera jusqu’en 1896. L’application de cette décision est effective en 1612 à la mort de Jaume Serra, dernier prieur de Serrabona. L’église Sainte Marie reste pendant deux siècles la paroisse du petit village de Serrabona.
On signale que bergers et troupeaux se réfugient occasionnellement dans le cloître ou l’église. En 1819 un effondrement partiel de la nef se produit. En 1822 la commune de Serrabona, pauvre et dépeuplée, est supprimée. Remarquée par les archéologues, elle est visitée par Mérimée en 1834 : elle devient l’un des tout premiers « monuments historiques ».A partir de 1836 les premiers travaux de consolidation sont réalisés, complétés au XXe siècle par de nombreuses campagnes de restauration qui vont assurer le sauvetage définitif de l’édifice. Offert au Département des Pyrénées-Orientales par la famille Jonquères d’ Oriola en 1968, le Prieuré de Serrabona est depuis cette date ouvert au public.

L’architecture

La première église de Serrabona était constituée d’une nef unique, voûtée en berceau brisé. L’implantation de la communauté de chanoines entraîne au XIIe siècle un important chantier de transformation. Le chevet primitif est remplacé par un transept et trois absides. Une abside majeure, saillante à l’extérieur, est flanquée de deux absidioles encloses dans les murs. Les bâtisseurs ont aussi élevé une deuxième nef au nord et un clocher; au sud, une galerie cloître et un bâtiment en angle comprenant trois salles superposées.

Les murs épais de la nef sont construits en schiste local débité en moellons allongés. L’appareillage de la seconde construction est plus élaboré, constitué de gros blocs de schiste taillés et ajustés avec soin. A Serrabona, les sculptures du cloître, du portail, de la fenêtre absidiale et de la tribune sont entièrement ouvragées en marbre rose du Conflent. Elles offrent un contraste étonnant avec le vert – gris du schiste.

Une particularité – La Tribune :

La tribune est considérée comme l’exemple le plus remarquable d’un travail de sculpture pour l’époque romane en Pays Catalan. La qualité du matériau utilisé, un marbre du Conflent, contribue à magnifier ce chef d’oeuvre non signé réalisé aux alentours de 1150.
Trois arcades surmontées d’une corniche composent la façade. Son aspect ciselé en faible relief s’oppose aux chapiteaux en ronde-bosse.
La façade reprend dans son décor les symboles chrétiens tirés du texte de l’Apocalypse, placés dans les écoinçons des arcs. A l’extrémité, deux anges aux mains ouvertes, leurs ailes couvrant leurs corps. Le lion symbole de Marc est placé à côté de l’aigle de Jean. A l’opposé, le taureau symbole de Luc, avoisine l’homme ailé de Mathieu. Ces quatre représentations entourent l’image du Christ, représenté sous les traits de l’Agneau disposé dans une mandorle. Autour de ce message, un décor végétal varié, de palmettes, de roses à quatre pétales et de rinceaux occupe la surface.

Une différence de qualité est à relever, entre l’aigle et le lion, d’une part et le taureau et l’homme, d’autre part. Cette remarque est également valable pour les sculptures des deux piliers soutenant la façade. Ils partagent cependant une même composition et des sujets voisins, un peu énigmatiques.

A l’exception d’un chapiteau mettant en scène Saint Michel terrassant le dragon, la sculpture de Serrabona n’est pas narrative, mais symbolique.

Des lions occupent les angles des chapiteaux, des aigles, des singes et d’autres animaux fantastiques complètent ce bestiaire étonnant.

Certains aspects de ce décor sculpté montrent que les artistes de l’époque romane ont nourri leur inspiration au travers de nombreux échanges culturels avec l’ensemble du pourtour méditerranéen.

Légende du plan de visite

1- L’accueil : une des trois salles du bâtiment de la communauté.
2- Le cloître : constitué d’une seule galerie orientée plein sud. Il est rythmé par trois piliers séparant des séries d’arcades. Le décor sculpté se déploie sur les huit couples de chapiteaux en marbre. Face à cet ensemble, un enfeu (c’est à dire : un tombeau placé sous une arcade) orné de fresques.
On remarque l’activité de sculpteurs différents travaillant ensemble : les chapiteaux intérieurs sont une exécution plus habile que les extérieurs. L’utilisation du trépan (foret actionné par un arc) permettait de perforer le marbre.
3- Le transept : vaisseau transversal qui coupe la nef principale et donne à l’église sa forme de croix.
4- L’abside et les absidioles sont percées de fenêtres à double brasement, ouvrant vers l’est. Celle de l’abside est ornée d’une décoration en marbre : deux colonnes et deux chapiteaux soutiennent un tore.
5- La nef : elle est voûtée en berceau brisé. Elle a conservé sur un de ses murs, un lambeau de fresque. La scène représente une Descente de croix, on devine le corps du Christ placé dans l’alignement de la fenêtre ouverte au Sud. La plupart des murs de l’église devaient être peints de la même façon.
6- Nef latérale : il est probable que cette nef était celle utilisée par les paroissiens de Serrabona. Le baptistère conservé rappelle cette destination.
7- Le portail : constitué d’un arc plein cintre est orné d’un tore en marbre reposant sur deux colonnes aux chapiteaux ouvragés. Ces chapiteaux, malheureusement volés en 2000, ont été remplacés par des copies.
8- La tribune : elle divise la nef en deux parties, l’une réservée aux chanoines, l’autre accessible aux fidèles. La plate-forme avec sa balustrade incomplète accueillait le choeur de chant.
9- La tour clocher : est haute de 18 mètres.
Un toit en bâtière (c’est à dire : à double pente) le couvre. Autour du prieuré, les allées et les sentiers du jardin méditerranéen invitent à la découverte de la flore catalane.

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